Un processus opaque de prises de décisions
Christine Franquet, conseillère municipale d’opposition, 14 juin 2020
OPACITÉ, MANQUE DE CONCERTATION
On peut regretter la faiblesse du processus démocratique pour ce projet de centre commercial à la Poterie.
Défaut d’information des conseillers municipaux
Tout au long du mandat qui se termine, il a été difficile pour les conseillers municipaux de suivre l’actualité de la ZAC en général et du projet de centre commercial de la Poterie en particulier. Le conseil communautaire a voté régulièrement ces dernières années sur des sujets concernant la ZAC, notamment en mai 2019 pour approuver la création de 28.000m2 de surface de vente avant présentation à la CDAC. Il n’y a jamais eu ni débat ni retour au conseil municipal sur les décisions votées au conseil communautaire, alors que Ferney y a 5 représentants. L’exécutif à Ferney pendant ce mandat prétend n’avoir que peu de poids dans les décisions concernant la SPL. Il a pourtant 2 représentants au conseil d’administration de la SPL, le maire M. Raphoz représentant la commune et Mme Unal, 1ère adjointe, y siégeant en tant que représentante de la CAPG. Au comité de contrôle aujourd’hui dissous, siégeaient Mme Léger de la majorité et M. Meylan du groupe minoritaire. Mais il semble que le comité de contrôle n’ait pas eu beaucoup son mot à dire sur les décisions.
M. Scattolin, président de la SPL, est finalement venu présenter le projet Altarea-Cogedim au conseil municipal de décembre 2019. Il a répondu aux questions, mais c’était bien tard, alors que tout était déjà ficelé. Lors de cette présentation, aucune allusion à l’augmentation de la surface à 63.000m2, ni à la « participation du public » qui serait organisée en mars.
Si les conseillers municipaux sont mal informés, que dire alors des citoyens lambda ?
La CAPG, une chambre d’enregistrement de la SPL ?
C’est vraiment l’impression qu’on a en lisant les comptes rendus des conseils communautaires. Etant donné l’ambition du projet et les budgets en jeu, on peut s’étonner du peu de questions venant de l’assemblée des élus, sinon de la part du maire d’une commune voisine qui a un projet concurrent. A la question de savoir quelles sont les conditions du marché avec Altarea, il n’est pas apporté de réponse : on demande aux élus non membres du CA de la SPL de voter sans avoir tous les éléments en main.
Lors de la séance de mai 2019, la CAPG vote pour donner son accord sur les 28.000 m2 de surface de vente. Le passage de la surface de plancher totale à 63.000m2 , l’ajout de surface pour les « industries culturelles », la multiplication par trois de la surface dédiée aux restaurants (près de 5000m2), l’augmentation du nombre de places de parkings, sont présentés comme des faits acquis et ne sont pas mis au vote.
La plupart des élus votent, certains s’abstiennent, mais le résultat des votes est donné de manière globale, on ne sait pas qui a voté quoi : un manque de transparence évident.
Les travaux de la SPL opaques
Les travaux du conseil d’administration de la SPL ne sont pas rendus publics et pas accessibles au public ni aux élus non membres du CA.
Le site web de la SPL Terrinnov n’est qu’une vitrine, qui ne donne même pas le nom des membres du conseil d’administration ni du directeur. Aucune allusion à l’actualisation de l’enquête publique et à la « participation du public » en cours sur le centre commercial.
La CDAC et la CNAC, non transparentes
L’avis de ces deux instances donne la décision mais pas la teneur des débats. Pour la CNAC, on a le nom des personnes entendues (dont plusieurs personnes d’Altarea) mais on ne sait pas qui étaient les personnes qui ont voté. Il y a eu une abstention, on ne sait pas qui c’est.
La communication minimum de la ville de Ferney
La « participation du public » est annoncée très discrètement sur la page Urbanisme du site sous le titre peu explicite de « participation du public par voie électronique ». Inutile de dire que seuls les initiés y sont allés voir.
Le processus de décision concernant le projet de centre commercial
La décision de faire évoluer le projet initial vers un grand centre commercial a été prise en 2015, par les élus dont le mandat a commencé en 2014. Le but avoué était d’assurer l’équilibre économique de la ZAC, les recettes de la ZAC provenant essentiellement de la vente de foncier. Le projet de 2015 prévoyait un centre commercial de 40.000 m2 de surface de plancher.
En 2019, le projet est modifié : on passe à 63.900 m2, avec l’ajout de 4000 m2 pour « les industries culturelles » et la surface pour les restaurants passant de 1500 à 5000 m2.
Cela est annoncé au conseil communautaire en mai, mais on ne sait pas dans quelle instance cela a été décidé.
VENTE DU FONCIER
Le budget prévisionnel de la SPL est de 255 millions. La vente de 30.000 m2 à Altarea serait de 90 millions (3000€ le mètre carré !), soit plus du tiers des ressources de la SPL. Cela permet d’équilibrer le budget et de financer les équipements publics. Mais cela rend aussi la SPL fortement dépendante de ce projet de centre commercial ! N’est-ce pas là un risque ?
De plus on peut se poser des questions sur le principe de financer des équipements publics avec des ressources provenant d’un investisseur privé proposant un projet qui va complètement à l’encontre de la nécessaire transition écologique souhaitée aujourd’hui pas de nombreux citoyens.
ENVIRONNEMENT
Le projet est présenté comme exemplaire sur le plan énergétique et environnemental. Certes, il ne consomme pas de foncier, puisqu’il se fait sur une zone déjà urbanisée et qu’il est assez compact. Certes, on parle d’une faible consommation d’énergie, d’énergies renouvelables, de géothermie, de toitures végétalisées, même de « baux verts » ( ?).
Mais… on attend 4 à 5 millions de visiteurs par an. L’augmentation prévisible de la mobilité reste le point noir de cet équipement.
Trafic automobile
Il est dit dans le document de présentation à la CDAC (p. 56) que la zone de chalandise est de 400.000 habitants ; que 10.000 habitants étant à moins de 1km pourront venir à pied ; 45.000 à moins de 3,5km pourront venir à vélo ; 149.000 à moins de 30mn en transports publics pourront utiliser ce moyen. Restent donc plus de 200.000 habitants qui viendront en voiture !
Les promoteurs le reconnaissent d’ailleurs puisqu’il est dit que « le site est facilement accessible par la route grâce à la proximité de l’autoroute A1/E62 et à un maillage de routes secondaires en Suisse. De nombreux projets routiers en cours de réalisation devraient encore améliorer l’accès au site […] Tous les carrefours auront un fonctionnement fluide avec une réserve de capacité satisfaisante. »
Ferney est un entonnoir, avec déjà 27.000 véhicules jour dans le secteur. On peut craindre le pire sous le tunnel, rue de Versoix et avenue du Jura, ainsi que route de Meyrin, déjà saturée le matin avant le rond-point. Et on ne parle pas des 4500 emplois nouveaux et des 2500 logements prévus dans la ZAC.
Parkings
La construction de 1600 places de stationnement voitures est en elle-même un appel d’air et une incitation à venir en voiture.
La construction d’un parking sur 3 niveaux va générer des quantités de remblais phénoménales, qu’il faudra évacuer : où, comment ? Combien de centaines de camions ? Ces parkings souterrains sur plusieurs niveaux ne sont plus guère tellement dans l’air du temps.
Le concept de centre commercial
Le concept de centre commercial à la périphérie des villes perd de son attractivité déjà depuis quelque temps. Après l’épisode du Covid 19, il apparaît d’autant plus décalé, alors que nombre de citoyens remettent en question leur mode de vie, leur manière de consommer et de se déplacer.
L’affirmation selon laquelle la Poterie est au centre-ville est très discutable. Aujourd’hui, les personnes qui vont faire leurs courses à la Poterie, pour beaucoup venant de Suisse, ne viennent que rarement jusqu’au centre-ville. Ce centre commercial risque d’assécher le centre-ville, malgré les maigres compensations promises, telle qu’une meilleure signalétique ou une navette électrique.
Si les bâtiments sont très performants du point de vue environnemental, qu’en est-il de ce que proposeront les commerces : vêtements fabriqués en Asie, meubles en bois exotiques, restaurants servant de la viande provenant d’élevages industriels, vaisselle jetable… Il est question de « baux verts » ? De quoi s’agit-il ?
UNE VILLE DANS LA VILLE, PRIVATISEE
Commerces, restaurants, cinémas, mais aussi places publiques, espaces verts, équipements sportifs, lieux culturels : on crée une ville dans la ville, complètement privatisée, qui pourra vivre sur elle-même sans lien avec le reste de la ville, au sein de laquelle la collectivité n’aura plus son mot à dire.
Qui assure la sécurité, le nettoyage, le déneigement ? Qu’en est-il de l’usage des espaces « privés ouverts au public » pour des événements culturels ou associatifs ?
ARCHITECTURE
Le projet est assez imposant de manière générale, mais le bâtiment A est disproportionné, avec une hauteur sur l’avenue du Jura de 32 mètres, soit plus que l’Orée de France, déjà l’un des bâtiments les plus hauts de la commune, et ceci sur une longueur importante (100 mètres ?). On peut craindre un effet de mur peu agréable, face aux logements et à l’hôtel.